Le "chemin de fer économique"

Le "chemin de fer économique"

Le "chemin de fer économique"

Le nom de cette compagnie n’est pas justifié par ses tarifs, comme nous le verrons. Les progrès technologiques et la nature du terrain ( le sable bien damé est un excellent support pour les rails et demande peu de ballast) permettent la création de voies de chemin de fer, si bien qu’en1914,les Landes sont le département français possédant le plus de kilomètres de voies ferrées par habitant.

Témoignages

« Quand je suis arrivé, le 14 juillet 1931, le voyage de Labouheyre à Mimizan a duré deux heures et demie pour faire trente kilomètres en train ! Il s’arrêtait dans toutes les petites gares pendant une demi-heure à chaque fois ! J’étais bien étonné ! Les Landes me semblaient le bout du monde, il n’y avait aucune route, que du sable partout ! Une fois, en revenant de Bouricos avec le train, on était tous descendus ramasser des pignes et des gémelles pour alimenter le foyer de la locomotive, sans çà, c'était la panne sèche !  Ça, on n’était pas très propres quand on descendait de ce train, mais ça ne fait rien on avait bien rigolé ! Après c'était mieux, il ne fallait plus du bois, mais du charbon et ils avaient la réserve qui suivait. J’ai une photo où on voit la locomotive renversée par un camion, ce n’était pas de tout repos, nos trains !  Plus tard, ma fille prenait le train ici, à Pontenx, elle descendait à Labouheyre puis changeait à La Mothe pour aller travailler à Arcachon. C’était tout un voyage, tous les passagers se connaissaient, ils s’amusaient bien ».

Les travaux rappellent l’exaltation de la conquête du Far West ! Imaginez le système comme un squelette de poisson, l’arête centrale étant la ligne Bordeaux - Dax d’où partent une vingtaine de voies secondaires.

À partir de1854, la compagnie du Midi fait régulièrement circuler ses trains de Bordeaux à Dax, avec de nombreuses stations d’où partent les wagons qui quittent les usines locales chargés de bois ou de résine (35 000 tonnes en1862) à destination de l’Angleterre et de l’Espagne. Ils reviennent chargés de pierres et de graviers pour créer des routes forestières.

La loi du 25 mai1857ordonne la construction de routes agricoles à partir des terminus de la voie ferrée, financée par la Cie du Midi qui y trouve son compte ; c’est le cas des routes d’Ychoux et de Labouheyre. On en aménage 450 kilomètres qui facilitent la commercialisation des produits résineux.

Les petits trains du pays de Born

En ce qui nous concerne, en1847, Labouheyre est la station la plus proche, comme aujourd’hui. À partir de1889, nous disposons de la ligne Labouheyre – Mimizan, le dernier autorail cessera ce service en1960, mais les trains de marchandises à destination de la papèterie perturbent la circulation à l’entrée du village où il n’y a pas de barrière, jusque dans les années 1980.

Ce n’est qu’un tout petit train, pas très rapide, essentiellement dévolu aux transports de la Papèterie, il est bien utile aussi à la population à qui il ne laisse que de bons souvenirs.Pontenxbénéficie de deux stations : celle du bourg et la halte de Bouricos. On se souvient encore de son dernier chef de gare, M. Dubrana et du conducteur, M. Sales.

Notre ligne va à Mimizan-Plage, mais à travers les dunes le long de l’océan, on peut continuer jusqu’à Biscarosse avant de repartir pour Parentis, Ychoux, Lüe…  C’est un circuit en boucle qui à lui seul embelli la ballade du dimanche.

En1921, le chemin de fer du Born est exploité par la « Cie des Voies ferrées des Landes », la ligne de Labouheyre à Mimizan fonctionne avec une micheline jusqu’en mars1960, elle est alors remplacée par un autobus.

Pendant la Première Guerre mondiale, les Landes dépeuplées n’ont plus de bras pour exploiter la forêt alors que les tranchées réclament toujours plus de bois. Pour répondre à la demande, le corps expéditionnaire américano-canadien crait une section forestière. Les Américains construisent à Pontenx une voie ferrée de 20 kilomètres à l’usage des scieries. Pour limiter les incendies y circulent des locomotives à tromblon et pare-escarbilles, à la silhouette si caractéristique. Plus de 2 000 bûcherons y travaillent sous la responsabilité de 60 officiers. Notre ligne est interrompue mais elle reprendra le 6 mai1946.

Il est facile d’imaginer le changement qu’apporte le chemin de fer dans la vie des Pontenais et son impact sur le développement des entreprises locales, bien que les forestiers ne l’utilisent pas. Pour conserver la ligne, en1922, Pontenx offre 166 francs à la Cie de chemins de fer pour compenser le manque de recette. La gare sera dotée d’une salle d’attente (chauffée !) en1925,mais les abords restent boueux et non éclairés, la même année, la ligne est électrifiée. En1946, la « Société anonyme des voies ferrées » embauche des conducteurs pour deux autorails remis en état, il était temps, car la population s’indigne de l’état lamentable de l’ensemble « La Cie n’est pas préoccupée de nous véhiculer dans des wagons infects, sans éclairage chauffage et vitres et faisant le trafic en trois heures et plus pour un parcours de 35 kilomètres, tout en payant le même tarif que dans les trains de luxe. De plus, les voyageurs se plaignent que dans l’obscurité des wagons, il se passe des choses répugnantes». On en frémit rétrospectivement !

Finalement, la voie ferrée est supplantée par la route qu’elle a largement contribué à installer. Ce réseau qui a fait le bonheur et l’orgueil de nos ascendants est devenu obsolète face aux réalités économiques et ce n’est pas sans nostalgie que nous pensons à la course de nos petits trains cheminant piano, d’une gare miniature à l’autre à travers la lande.