Les fontaines

Les fontaines

Les fontaines

Le département des Landes est celui qui compte le plus de fontaines, elles sont généralement dites miraculeuses depuis les temps préhistoriques, puisque détournées d’un culte païen par l’Église, sui faute de pouvoir les interdire, les confie aux saints du calendrier. Camille Julian affirme « C’est à l’époque ligure que remonte le culte des sources saintes, je devrais dire de toutes les sources de la Gaule, car la sainteté était inséparable d’elles et, froides ou chaudes, elles furent également esprits ou génies, dieux ou déesses ».Même christianisé, le culte des fontaines reste entaché d’animisme (qui attribue une âme aux objets).

L’archéologie, bien que nombre de fontaines n’aient jamais été fouillées, confirme cet engouement, ne serait-ce que par le nombre de pièces de monnaie de toutes époques mises à jour dans leur périmètre. On note que les fontaines sont presque toujours situées dans des endroits isolés, souvent à proximité de vestiges antiques, ce sont des lieux magiques… les anciens ne bâtissaient pas au hasard.

Bouricos

À 8 kilomètres de Lüe sur la route de Mimizan, une pancarte des monuments historiques indique « Fontaine miraculeuse de Bourricos». La fontaineSaint-Jeansoigne les « maus deth sen Yan» et les« maus deth Rei », les furoncles, les anthrax (maladie du charbon) et l’épilepsie. Sa réputation est telle qu’on lui soumet tous les cas : plaies, handicaps, maladies psychologiques… Certaines personnes viennent de loin pour faire provision d’eau, au cas ou… d’autres se refusent à une intervention chirurgicale avant d’avoir consulté le saint. C’est le pèlerinage landais le plus réputé depuis le Moyen-âge, après Buglose. Les assemblades (foires) de Bouricos ont lieu le 24 juin.

La légende raconte que saint Jean le baptiste, un agneau dans les bras, accompagné de saint Antoine, fait jaillir sa fontaine, celle qui est tant honorée, une autre pour saint Antoine et une pour l’agneau (représentant la chrétienté), quelques dizaines de mètres plus loin. L’emplacement de la seconde était, il y a peu,  marqué d’une croix dans le marais, l’autre est perdue, ce sont des sources fugueuses, c'est-à-dire qu’elles se déplacent.

Sainte Rose

Devenue Saint-Trosse à la Révolution après s’être appelée Sainte- Arrose, la fontaine existe encore, pas facile à trouver, elle garde quand même une fidèle clientèle. Sainte Rose dispose de six fontaines dans les Landes pour soigner les maladies de peau. Elle a fort à faire avec la pellagre, terreur des Landais jusqu’au XIXe siècle, elle soigne aujourd’hui l’eczéma et l’acné.

Ici, elle se présente sous la forme d’un modeste jet d’eau au milieu d’un ruisselet, de nombreuses croix, certaines récentes sont clouées sur les arbres avoisinants, en ex-voto. Sa puissance est reconnue dans tout le canton, sa susceptibilité aussi : on raconte que lorsqu’un enfant turbulent lui jette une pierre, il rentre chez lui couvert de boutons purulents. Donc prudence si vous réussissez à la trouver, ici, on ne doute pas de son pouvoir.

Saint-Martin

Bien que facilement accessible, l’endroit est sauvage. Au bord du ruisseau du moulin de Labrit, au quartier de Miquéou, la fontaine est encore discrètement fréquentée bien qu’en piètre état : il faut creuser la terre pour utiliser le verre que des mains pieuses y ont posé récemment. Elle aussi soigne les maladies de la peau.

La fontaine d’or

Voici l’histoire officielle traduite du récit de Félix Arnaudin (qui écrivait en gascon non normalisé):« Alors que le pays était en guerre, il y a très longtemps, un homme était  venu, on ne sait d’où avec une cassette pleine d’or. Et cet étranger s’était noyé ; il avait disparu dans la fontaine, avec sa cassette. On ne revit jamais rien, ni l’homme ni la cassette.

Plus tard un autre étranger était venu ici. Il savait sans doute qu’un trésor existait là. Il fit de longues recherches aux alentours de  la Fontaine d’or, mais il ne trouva rien. Et celui-là aussi, comme l’autre disparut dans la fontaine»!

Il y a beaucoup d’étrangers qui disparaissent dans cette histoire…

En1885, en nivelant la future cour de l’école des ouvriers découvrent une marmite en bronze contenant 45 pièces d’or et 4 116 pièces d’argent et de billon (alliage pauvre en métal précieux). Les pièces étaient des « nobles » d’Édouard III et d’Henri IV d’Angleterre, des « francs à pied » de Charles V et des « hardis » d’Aquitaine, ce qui permet de dater la découverte autour de1415, pendant la Guerre de Cent Ans. Une autre version dit que le trésor fut déterrée par deux enfants en1874.La marmite est enterrée à côté d’un puits dans les communs du château, dans un ancien marais appelé la « Hont d’or ».

Les ouvriers, oubliant que la découverte est située sur le terrain communal, s’approprient le tout… Le maire prévenu récupère le trésor et le négocie au profit de la commune.

Si le « trésor», plutôt modeste a bien existé, les conditions de sa découverte relèvent de la légende.

Outre le trésor, la fontaine rend des services immenses pendant la terrible sècheresse de1874et pendant les grands incendies de1949, car elle ne tarit jamais, contrairement aux autres sources du pays.

Encore une fontaine à Pontenx ?

Le curé Supervielle (1804-1814) est épileptique. Un jour qu’il va boire à une fontaine dont il aime particulièrement l’eau, il fait une crise et on l’y retrouve mort. De là vient le nom de « Hont deth curé ». On ne sait plus où elle se trouve… Elle s’est sans doute perdue, comme d’autres ici, d’après les anciens.

La fontaine des saints

Une observation attentive de la carte IGN  permet de découvrir le « Ruisseau de la Fontaine des Saints »,cette fontaine est perdue entre le lieu dit « Badet » et la limite de la commune d’Escource. Quelques uns se souviennent avoir entendu dire que les anciens s’y soignaient encore vers1950, mais on ignore quels saints, puisqu’il y en a plusieurs, et quelles maladies ils guérissaient.

La fontaine saint Marcel de Noel

Cette source peu connue a fait son apparition dans la commune il y a quelques années, des mains pieuses l’entretiennent et la fleurissent et l’endroit, en limite de commune sur la route d’Escource, est indiqué par un panonceau.

En réalité, cette « fontaine miraculeuse » est le fruit d’une plaisanterie qui a vu le jour après qu’un de nos concitoyens, parti chasser aux alentours de Noel, se soit renversé avec son véhicule dans un fossé d’où l’eau a jailli. Les victimes innocentes (des fleurs sont déposées à cet endroit) de cette mystification ne manquent pas.

Les maux

On craint ces maladies dont on ignore tout et on n’ose les nommer sinon par périphrases :

Les « maus de sén Yan » : les maux de saint Jean sont ici « les douleurs » c'est-à-dire les rhumatismes, douleurs articulaires…

Les « maus deth Rey » : Toutes les maladies de peau, sinon, ce sont les« maus gras » : éruptions cutanées, on dit aussi les « maus arroses », maux roses, ce délicat vocable désigne toutes les maladies dermatologiques, mais plus particulièrement la pellagre très fréquente ici.

Les« maus deth sol » : ceux qui jettent le patient à terre : c’est le « haut mal », l’épilepsie.

Les « maus buhans » : maux brûlants, ou mal blanc, c'est-à-dire les panaris.

Les attributions se sont-elles faites en fonction de la qualité spécifique de l’eau, ou le besoin s’en faisant sentir, invoquait-on le saint correspondant en lui attribuant une fontaine ?

Les rituels

Aujourd’hui comme hier, on aborde la « hont » avec déférence, il faut respecter le rituel, spécifique et incontournable, attribué à chaque fontaine : réciter une prière, accomplir certains gestes... Pour une meilleure efficacité, il est bon de passer la nuit avant l’intercession auprès de la fontaine. On pratique la circumambulation : il s’agit de faire le tour de la fontaine en priant, un nombre de fois défini par le rituel qui remonte à la nuit des temps.

Pour savoir à quel saint, à quelle fontaine s’adresser, la recommandeuse nous guide, elle sait ce qui est bon sinon, elle peut avoir recours à la divination. La vraie difficulté est de trouver la dame, car elles se font rares, il n’y en a plus àPontenx. 

Un renouveau d’intérêt pour ce patrimoine curatif se manifeste, mais triste récompense pour les communes qui maintiennent la tradition : la plupart de ces sources sont pillées.